Responsabiliser les collaborateurs : l’histoire de Jean-Marc, ou comment faire émerger l’extraordinaire

Christine Bénard, forte de plus de 20 ans d’expérience dans la direction de grands groupes industriels et aujourd’hui Senior Advisor chez Sociabble, partage dans cette série d’articles des histoires marquantes vécues sur le terrain. À travers ces récits, elle explore les leviers clés de l’engagement en entreprise et imagine comment, avec les outils d’aujourd’hui – notamment Sociabble –, ces dynamiques auraient pu être amplifiées. Après l’histoire de Pierrot, voici celle de Jean-Marc.

Pierrot n’était pas le seul à avoir attiré mon attention. J’aimais aller tous les matins, tous les midis et tous les soirs dans l’usine, à chaque rotation d’équipe. J’y allais spontanément, parfois seule, mais aussi à l’occasion de routines que nous avions instaurées avec des membres du Comité de Direction : revues de la mise en place des QRQC ligne (Quick Response Quality Control), revues de démarrage, projets d’amélioration de l’ergonomie, etc.

Ces tours dans l’usine me faisaient adorer mon métier. On y rencontrait des personnages extraordinaires de courage et de résilience, mais aussi de débrouillardise et de créativité. Humainement les échanges, même courts, étaient très riches. Les opérateurs aimaient ce métier difficile qui consiste à assembler des composants sur les chaines de production, ils en étaient fiers ! Leurs expériences et expertises faisaient en sorte qu’ils possédaient eux-mêmes la plupart les clés pour améliorer qualité, productivité et ergonomie.

Cela me confirmait, s’il le fallait, que l’asset le plus important dans une usine, ce sont les femmes et les hommes qui y opèrent. Il me tenait à cœur d’en prendre soin. Pour moi, tout commençait par la mise en place de mécanismes de responsabilisation, afin de rendre le travail de chacun à la fois stimulant et valorisant. Cela permettait aussi une amélioration continue des coûts, de la qualité et des délais, un impératif dans un environnement ultra-concurrentiel où la menace de délocalisation était bien réelle.

Jean-Marc, opérateur et… chanteur engagé !

Jean-Marc, dont le nom de scène était Belart, n’était pas seulement un opérateur : il était aussi poète et chanteur. Un jour, lors d’un de mes tours d’usine, il est venu vers moi et m’a donné un CD : « Les gens de dehors ».

Ce CD, il l’avait écrit, composé, enregistré et fait presser, sans l’aide de personne. C’était un projet personnel, une démarche autonome : il parlait d’un homme devenu SDF. J’étais bluffée.

Lorsque vos équipes comptent des talents capables de mener de tels projets personnels, ce serait un véritable gâchis de ne pas les mobiliser également dans leur environnement de travail.

Or combien de managers, parfois même les plus engagés et les plus compétents, infantilisent leurs équipes, en ne faisant confiance qu’aux process, aux outils et surtout à eux-mêmes. On a tous eu plus ou moins ce travers et on ne le fait pas par intention de nuire, au contraire !

Mais il est essentiel de se rappeler, de temps à autre, les bienfaits de « libérer les énergies » : donner la parole et plus de pouvoir d’action à ceux en première ligne, qu’ils soient face à un client ou à une machine. Faire appel à leur créativité et à leur bon sens, que ce soit pour gérer un imprévu ou simplement pour nourrir une culture d’amélioration continue, est une approche précieuse.

La responsabilisation et les leviers les plus efficaces

Les programmes de suggestions : quand les meilleures idées viennent du terrain

Dans le secteur automobile, nous utilisions un outil inspiré du modèle Toyota : les programmes de suggestions. L’idée était simple : les opérateurs, qui sont au plus proche des réalités de production, sont souvent les mieux placés pour identifier des améliorations en termes de qualité, productivité et ergonomie.

À Nogent-le-Rotrou, nous avions un programme structuré :

• En ligne pour les cols blancs, avec un circuit de validation automatique.
• En papier pour les opérateurs, via des cartes soumises à des circuits de validation manuelle.

Les résultats étaient impressionnants : un grand nombre d’idées émises, un taux de transformation élevé, et des collaborateurs fiers de voir leurs initiatives mises en œuvre, parfois en « circuit court », par eux-mêmes.

Les challenges internes : la responsabilisation par l’émulation

Un autre levier puissant de responsabilisation était les challenges internes. Nous organisions régulièrement des concours qualité ou performance entre les lignes de production.

Un challenge particulièrement marquant fut celui organisé sur la ligne Micra Clim. Toutes les équipes, tous horaires confondus, étaient impliquées. Chaque ligne devait atteindre des objectifs d’amélioration continue en matière de qualité et de productivité.

L’objectif ?

• Encourager l’autonomie et l’initiative.
• Créer une dynamique de groupe positive.
• Stimuler la fierté du travail bien fait.

Ce petit côté « compétition » a eu un effet formidable : chacun s’est senti acteur du succès collectif, et les résultats ont dépassé nos attentes.

Les projets transverses : responsabiliser pour faire grandir

Enfin, une autre méthode efficace pour donner plus de responsabilités aux collaborateurs était la mise en place de projets transverses.

Plutôt que de laisser les enjeux stratégiques aux seuls managers, nous impliquions des profils atypiques et engagés, sur des projets clés impliquant plusieurs fonctions.

• Ces employés se voyaient confier des missions en dehors de leur champ d’action habituel, les exposant à des responsabilités nouvelles.
• Ils étaient mis en avant au sein de l’entreprise, ce qui leur offrait des opportunités d’évolution.
• Leur travail était reconnu non seulement par leurs pairs, mais aussi par la direction.

Ces équipes, organisées en mode projet, ont contribué à décloisonner l’entreprise, à renforcer l’esprit de collaboration et à cultiver le plaisir de « réussir ensemble ».

Programmes de suggestion, challenges internes, projets transverses, trois clés incroyables de responsabilisation, et donc d’engagement et de résultats. Et pourtant à l’époque je voyais plusieurs difficultés qui nous ralentissaient :

• la tendance à l’essoufflement,
• le manque de communication efficace : j’avais toujours l’impression que personne n’était au courant de ce que faisait son collègue. Et lorsqu’une bonne idée voyait le jour, sa diffusion transversale représentait un véritable défi, d’abord au sein même de l’usine, mais encore davantage avec les autres sites de production.

A l’époque…mais…

Ah si j’avais eu Sociabble ! Comment la responsabilisation aurait pu être maximisée

Avec Sociabble, ces initiatives auraient pu être amplifiées et déployées bien plus largement.

• Des programmes de suggestions digitalisés et interactifs
  • Jean-Marc et ses collègues auraient pu proposer leurs idées directement en ligne, avec des photos, vidéos et explications détaillées.
  • Tout aurait été géré via un formulaire numérique, simplifiant la validation et accélérant la mise en œuvre.
  • Grâce à la fonctionnalité Service Desk, les suggestions auraient suivi un workflow clair et transparent, assurant un traitement rapide et efficace.
• Une mise en avant des initiatives pour inspirer d’autres sites
  • Les meilleures idées auraient pu être mises en avant sur le fil d’actualité interne, incitant d’autres usines à adopter ces bonnes pratiques.
  • Un système de badges et de reconnaissance aurait permis de valoriser les collaborateurs les plus engagés, créant une saine émulation.
• Un impact à l’échelle du groupe
  • Avec Sociabble, les challenges comme celui des lignes Micra auraient pu être partagés entre plusieurs usines, renforçant la collaboration et la culture de l’amélioration continue.
  • Les projets transverses auraient bénéficié d’un espace de discussion dédié, facilitant le travail collaboratif entre différentes équipes.

Jean-Marc, un talent à partager et une source d’inspiration

Mais Sociabble n’aurait pas seulement servi à partager des idées professionnelles. Jean-Marc aurait aussi pu partager sa passion pour la musique, inspirant ses collègues et contribuant à une culture d’entreprise plus humaine et collective.

• • Un espace dédié aux talents internes : Jean-Marc aurait pu publier un extrait audio de son CD, une vidéo de lui chantant une de ses compositions, ou encore une interview racontant son parcours et sa passion pour l’écriture et la musique.
  • Un petit concert live diffusé à tous : Imaginez Jean-Marc se produisant lors d’un live interne, retransmis sur les écrans de la cafétéria et accessible sur les téléphones des collaborateurs. Un moment unique qui aurait pu fédérer les équipes et créer une dynamique de partage et de convivialité.
  • Encourager d’autres talents à s’exprimer : Ce partage aurait pu inspirer d’autres collaborateurs à dévoiler leurs propres talents – musique, photographie, sport, artisanat – créant une dynamique positive et renforçant l’esprit d’équipe.
  • Des initiatives comme « Les Talents de l’Entreprise » auraient pu voir le jour, mettant en avant des collaborateurs engagés et créatifs.

Parce qu’une entreprise, ce n’est pas seulement du travail et des process. C’est aussi une communauté, des talents partagés, des moments qui fédèrent et donnent du sens à l’expérience collective. Par ailleurs, il est toujours bénéfique de favoriser toute initiative permettant de maintenir un équilibre sain entre vie professionnelle et personnelle des collaborateurs !

Et aujourd’hui ?

L’histoire de Jean-Marc rappelle que chaque employé a des talents insoupçonnés, et que la clé d’une entreprise performante réside dans sa capacité à les révéler et à leur donner du pouvoir.

Encourager l’initiative, impliquer dans la prise de décision, valoriser les succès, c’est ainsi que l’on crée un cercle vertueux d’engagement.

Dans le CD, il y avait une petite dédicace : « Que ma chanson vous porte chance ». Oui, elle m’a probablement beaucoup apporté, professionnellement mais aussi personnellement. Si 20 ans après je suis engagée bénévolement dans une association qui s’occupe des personnes à la rue et mal logées, ce n’est peut-être pas un hasard. Merci Belart !